BLUES IN THE MORNING

 

Un vent croche

balaie les heures

nuit électrique

contrée sauvage

des lampadaires

l'hiver

des grands boulevards.

Troubadours d'insomnie

trottoirs d'étoiles

qui craquent sous nos pas

le jazz

rentre avec le blues

à la maison.

Jack Teagarden

Misery And The Blues

à crédits de tendresse

la musique

flirte encore avec la nuit...

Le jour se lève sur la ville.

Denis Samson © 2022

TRAVERSE DE NUIT

 

J'apprivoise la nuit

ses étoiles satellites

et ses silences radio.

Le cosmos m'enveloppe

avec ses questions orphelines

ses vrilles insomniaques

en voyageur distrait

j'accumule les retards

les rêveries et les années

j'embrasse l'ombre

pour mieux comprendre le jour

chargé de mes lunes écorchées

je prends l'express pour l'aube...

Jean Coulombe © 2022

PREMIÈRES NEIGES

Première neige de l'année

fumée bleue des cheminées

l'hiver dure souvent.

Il neige d'une enfance

des hivers maternels

les paroles oubliées

d'une chanson me reviennent

peu à peu

les autres je les invente

ça me fera des souvenirs

pour plus tard.

La solitude

bien au chaud

mon vieux divan

fatigué

et ce whisky

qui me réveille

m'endort

et me réveille...

Vingt centimètres de nuit blanche

sur les trottoirs dans les

rues sur les toits

au matin.

Une chanson

bien au chaud

où reposent mes souvenirs.

L'hiver

dure souvent.

Denis Samson © 2022

TRAJECTOIRES (2)

 

Les extra-terrestres trop terrestres

peuplent les trottoirs de la basse-ville

chacun sa trajectoire, son accident

tout doit rouler malgré tout

en nos vies, comme dans le reste.

On prend son faux bonheur en selfie

on rêve de vacances dans le Sud...

Toujours en manque de caresses

l'hiver aura encore les crocs longs.

Jean Coulombe © 2022

FAIRE ÉCHO

 

À paumes ouvertes

contre le chaos du réel

les éclopés de la roue de fortune

roulent essieux cassés

sur l'autoroute sociale

les regards se détournent

le vertige est brutal.

Jean Coulombe © 2022

Vidéo: Jean Coulombe et Gilbert Sévigny © 2022

ALMOST BLUE

 

Graffitis d'insomnie

la ville dort encore

une araignée a tissé

une fenêtre étoilée au matin.

Chet Baker - Almost Blue

musique de l'aube musique d'un naufrage.

Dans la ruelle aux matelas

roule une bouteille

vidée de son message.

Denis Samson © 2022

EN CE JARDIN

 

En ce jardin

aux arômes secrets

où dans ta main

d'un feu limpide

saigne une rose

tes initiales restent gravées

dans ma tête de bois

ma tête pleine de noeuds

sous l'écorce.

Mon coeur en volière

à l'observatoire

des chants d'oiseaux

tu prends ma nuit

sous ton aile.

Denis Samson © 2022

BRUNANTE

 

Un arbre mort

une branche craque sous mes pas

frisson du soir

Jean Coulombe © 2022

(texte et images)

Gilbert Sévigny

(réalisation et son)

CLS EN VERSION PAPIER...

Vous appréciez notre poésie et aimeriez bien la lire dans un recueil... 

Eh bien, c'est maintenant possible grâce aux Éditions aux cailloux des chemins et au travail assidu de son éditrice Christine Saint-Geours. Fan de la première heure du blogue CLS, elle nous a sollicités en 2022 pour que l'on fasse paraître nos écrits en France. 

Laboratoire d'insomnies est donc paru avec 25 textes de chacun de nous.
Vous pouvez commander votre copie sur les site Web des éditions à l'adresse suivante :

https://www.aux-cailloux-des-chemins.fr/laboratoire-d-insomnies

De plus, si vous demeurez dans la région de Québec, l'excellente Librairie Le mot de Tasse
en garde toujours quelques exemplaires; vous pouvez utiliser ce lien pour commander :

https://www.motdetasse.com/boutique-en-ligne/

Vous pouvez également le commander dans une autre librairie ou demander à votre bibliothèque publique de le commander.

PORTES OUVERTES

 

Le froid sur mes épaules

attire le ciel près du coeur

près du feu.

J'entre dans la nuit

cette fleur noire,

avec en mémoire

les entrailles du temps.

Des visages s'éloignent

d'autres se rapprochent

ils flottent tout autour

comme une constellation.

Les portes s'ouvrent

au-delà des mots.

Jean Coulombe © 2022

L'ÉVEIL DE LA FORÊT

 

Silhouette de l'aube à l'horizon

peignures de cèdres

dans la brume en dentelle

la forêt s'éveille

les arbres tricotés serré

le vent reste replié

sur lui-même.

Assis au bord de l'eau

à penser ce corps

que j'habite

j'écoute le chant

de cette rivière

qui se noue se dénoue

de méandre en méandre.

Un poème à finir,

les pieds mouillés

entre les lignes,

un coup d'aile un regard

au bestiaire des songes

où la forêt se perd

à l'horizon

où la rivière revient seule

à la maison.

Denis Samson © 2022

L'ÉTERNITÉ

 

L'éternité

passe très vite

quand le silence

est léger

et le soleil complice.

Jean Coulombe © 2022

(SUR) LA ROUTE

 

Le soleil

toutes flammes déployées

le fleuve

a des crachats d'océan.

Il pleut des cendres

à l'horizon

la forêt cherche une place

pour s'éteindre.

La lune au tournant

le ciel un courant d'air

la route est la maison du vent.

Denis Samson © 2022

AURORE

 

Piste de chevreuil

sur la rive du ruisseau

soif du matin

Jean Coulombe (texte)

Gilbert Sévigny (vidéo)

LES OMBRES INFIDÈLES

L'éphémère en vitrine

l'obscurité

partiellement mise à nu

les lumières de la ville

maquillent la nuit

d'ombres infidèles

à battre la semelle

dans cette réalité itinérante

où mon regard se perd

la ville conduit parfois

à une impasse.

Rouge

peint sur la façade écorchée

d'une maison

un coeur

lourd de graffitis

au livre des saisons

de la rue.

La ville, parfois,

est comme un rêve étrange.

Denis Samson © 2022

PRÈS DE LA RIVIÈRE

 

Je vis près de la rivière

caché

Les gens du village

viennent ici perdre

leurs chats

leurs serpents

leurs perruches

chaque début d'été

Un jour j'en ferai une armée

Alain Larose © 2022

CRÉPUSCULE

 

Haïku de Jean Coulombe

Infographie de Gilbert Sévigny

Tous droits réservés © 2022

RAFRAÎCHIR LE FEU

Embrasement

au feu des ratures

une allumette qu'on craque

sous les mots

longues chevelures d'obscurité

parées d'étincelles

le vent qui danse

avec les ombres

et ce froid

qu'il faut chasser

avant qu'il ne s'installe...

Rafraîchir le feu.

Denis Samson © 2022

 

CENDRES

 

Au bord de la rivière

flotte dans la brume

l'odeur du feu mort

Jean Coulombe ©

ALEA JACTA EST

Je marche de rivière en rivière

et tout se détache de moi

les horizons glauques

comme les satoris

je marche de plus en plus léger

certain de mon âge comme d'un blues

bien lessivé par la vie

ne m'offrez pas de pont

ni de sirupeuse affection

offrez-moi plutôt la grande paix

celle qui vient à se frotter

aux forêts d'arbres morts

aux oiseaux centenaires.

Je n'ai qu'une lumière

et j'ai peur de l'échapper.

Jean Coulombe © 2022

 

FUNÉRAILLES À L'HÔTEL GASPÉSIEN

... un souvenir

À la santé du défunt

les larmes coupées avec du gin

assis sous la tête d'orignal

de vieux marins naviguent

dans leurs verres d'étoiles pures

grand vent dans les voiles

roulis et tangage

la nuit encore jeune

sur le plancher se brisent les vagues

la mort a déjà sollicité

pas mal de boisson.

Au matin

la mer s'en va

sans se retourner

ma visite aux fantômes

de l'estuaire se termine.

Denis Samson © 2022

 

ENSEMBLE

Mes pas vers toi

dans la solitude

tous ces pas au-dessus

du vide et du destin

loin de la froideur

du bonheur factice

douteux marketing

de ce vivre ensemble

mes pas... nos pas

façonnent l'aube

libèrent cet oiseau

qui a soif de ciel.

Jean Coulombe © 2022

 

EN RÉSIDENCE

 à J.D. in memoriam

Le soleil est mort

dans la chambre en face.

Avec ce corps

encore

habitable

lourdement hypothéqué

avec aux mains

des séismes profonds

enfouis longtemps

avec la tête qui tombe

en avant

en priant le sommeil de venir,

la nuit fait juste

commencer.

À la télé

le crooner chante

le public l'aime

il aime son public

à Miami comme à Québec

tout le monde a toujours vingt ans

en rappel.

Dans le Paul Anka de la mémoire

toutes les prières sont exaucées;

de l'écran reste la lumière

au fond des yeux

au moment de rêver.

Denis Samson © 2022

AU BALCON

 

J'ai fermé saison accroché au balcon

saisi de vertige au-dessus des arbres.

J'ai survolé la brûlure des amours passées

leur odeur de pomme volée au couchant.

Nos espoirs cramaient

sur l'autel décati

des aubes sacrificielles

quand le désir attaquait

nos chairs vierges.

Un pan de ciel s'écroule en mémoire.

J'aurai cherché ma vie la tête en bas.

Jean Coulombe © 2022

CHEMIN DE VEILLE

 

Le chemin que j'emprunte

sans trop y penser

tend ses bras vers le monde.

Au bout de mon petit chemin,

au bout de ma petite vie

brûle cette petite époque...

On s'y bat partout et tout autour

les cendres me montent à la gorge

et les fous volcanisent librement.

Le fracas se rapproche

je retourne les pierres

d'un passé qui me cherche.

Les oiseaux font des signes

au printemps qui tarde,

n'écoutent pas le téléjournal.

Je n'ai laissé mon adresse

à personne...

Jean Coulombe © 2022

DÉDICACES

 

Neiges incendiées de l'aube

à l'observatoire des chants d'oiseaux

lèvres éclatées d'une rivière

dédicaces de l'oeil

à la sauvage beauté du gel.

Denis Samson © 2022

RÉMINISCENCES

Maison

aux couleurs délavées

du côté du fleuve

du côté du vent

miroir reflétant

l'indolence des eaux

carte postale

raturée d'oiseaux

réminiscences...

Mes mains se blessent

à des photos enfouies

comme des échardes

au fond d'un tiroir.

Denis Samson © 2022

 

AU BLEU DU SENTIER

J'ai repris le sentier

du bouleau mort

près de la trace

du lièvre fantôme

la lune a mordu

le matin bleu

la forêt chante

et le froid casse

ce qu'il étreint

on rallume

la flamme

pour mieux rêver

ta voix me piège.

Jean Coulombe © 2022

SALON DES HEURES LENTES

 

Au salon des heures lentes

la nuit est entrée par la ruelle.

Sirotant des baisers froids

comme des épingles

des exilés venus de chansons lointaines

versent les larmes

partagent la douleur

des amours perdues.

Cachés au fond de la bouteille

dans l'alcool aux yeux d'oiseaux

nos fantômes nous regardent,

si on manque de chansons on est morts.

Au salon des heures lentes

il faut savoir

avoir pitié de l'aube

qui n'attend rien de nous.

Denis Samson © 2022

LES HEURES LENTES

 

Avec

le long des rues

l'itinérance des souvenirs,

du vent dans les voiles,

claquer des os

dans sa peau.

Avec ce sentiment de

déjà-vu déjà

oublié,

jeter l'ancre à nouveau

dans un port familier.

Chansons d'une autre époque

au salon des heures lentes...

Avoir peine

parfois

à se souvenir du lendemain.

Denis Samson © 2022

FISSURES / implosion

 

au-delà des mots

surgit l'immensité

les meutes de loups

le corps qui soupire

au-delà des glaces

surgissent les âges

ce qui me fait chair

malgré les vents

au-delà et au dedans

l'implosion me consume

Jean Coulombe © 2022

À FLEUR D'HORIZON

 

Tu broies mon regard

comme une forêt qui marche

un incendie criminel

ensemble nous chantons

un répertoire oublié

nos mots s'immolent

dans nos bouches

nous nous inventons

un printemps

au-delà du soleil

le temps prend une pause

au seuil de notre histoire

et toute la beauté s'incarne

quand notre horizon s'envole.

Jean Coulombe @ 2022

(texte et photo)

ET LE SILENCE

 

Un vieux divan
fatigué
et la neige qui tombe

un poisson dans un cadre

comme une photo

dans un aquarium

un poisson une horloge

sur le mur

une horloge

où les minutes s'entremêlent

des morceaux de rêves épars

coeur en désordre avant l'aube

à la fenêtre le silence

écho de ma solitude.

Denis Samson © 2022